Mieux vaut un bon petit rappel de véhicules qu’une mauvaise publicité. C’est la conclusion à laquelle Chrysler est arrivé après quinze jours de bras de fer avec la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA), l’agence de sécurité routière américaine. La filiale de Fiat a finalement accepté, mardi 18 juin, de rappeler 2,7 millions de 4X4 Jeep susceptibles de prendre feu dans certaines circonstances. Entre deux maux, Chrysler a fini par choisir le moins coûteux.
Les rappels de véhicules en cas de défaut de fabrication sont monnaie courante aux Etats-Unis. Ce qui l’est moins, c’est quand un constructeur refuse de se plier aux injonctions de la NHTSA. Or début juin, Jeep s’est aventuré en dehors des sentiers battus en contestant la dangerosité de certains de ses modèles. En cause, la position du réservoir à essence des Grand Cherokee fabriqués entre 1993 et 2004 et des Liberty mis en circulation entre 2002 et 2007, qui, en cas de collision, risquent de prendre feu. C’est en tout cas les conclusions d’une enquête de plus de deux ans sur une série d’accidents ayant causé la mort de 51 personnes. En réponse à ces accusations, Chrysler a fait valoir que «78%» des accidents de Grand Cherokee s’étaient produits dans des circonstances allant bien au-delà des exigences légales. Le constructeur affirme également avoir épluché 30 ans de statistiques pour ne constater qu’«un nombre extrêmement faible» d’incendies du réservoir à la suite d’un accident et, en tout cas, pas plus important que sur des véhicules comparables.
Mais, dans ce genre d’affaire, la rationalité des ingénieurs et des statisticiens reste complètement inaudible du côté des victimes et de leurs défenseurs. Le lobby à l’origine de l’enquête, le Center for Auto Safety ne s’est pas privé d’accuser Chrysler de faire passer les profits avant la sécurité: «Chrysler n’existerait pas aujourd’hui sans le renflouement de 10 milliards de dollars accordé par le gouvernement américain. Le refus de rappeler ces bombes roulantes est une insulte à ses clients qui prennent un risque chaque jour», a-t-il accusé dans un communiqué au début du mois de juin.
Ce qui est vrai, c’est que les Jeep sont parmi les modèles les plus rentables pour Chrysler. Selon le directeur du Center for Auto Safety, le rappel devrait coûter 270 millions de dollars au constructeur, soit un sixième de ses bénéfices de 2012. Pas anodin, mais sûrement moins coûteux que la dégradation de son image de marque si l’affaire avait continué de prendre de l’ampleur. Mieux vaut en effet éviter de voir passer en boucle sur les télévisions américaines des images d’accident et des témoignages de familles de victimes.
Restait à sauver la face. Chrysler consent à déclencher une «campagne volontaire» pour vérifier les véhicules mis en cause. «Rappel à l’ordre» aurait été plus adapté.
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