Les ventes de voitures électriques ne décollent pas

C’est plat comme un encéphalogramme de coma dépassé. 403 véhicules électriques vendus en France au mois d’août, 492 en juillet. En juin, les constructeurs en écoulaient 903, en mars, 1350. En comparaison, l’an dernier, il s’en vendait 594 et 960 en juillet et en août. Les sceptiques vérifieront les chiffres ici, publiés chaque mois par le site "automobile propre" (sic), tenu par "des passionnés d’automobile et d’environnement". On constatera qu’à la fin de l'hiver, il était encore permis d’y croire. Le chiffre des ventes dépassait chaque mois le résultat de l’année précédente. Mais le décollage entamé ne s’est pas prolongé.

Les pouvoirs publics se donnent pourtant beaucoup de mal pour encourager les ventes. Chaque acheteur d'un véhicule à propulsion électrique bénéficie d’une subvention de 7000€, baptisée "bonus écologique" (détails sur le même site). La prime, 5000€ sous Sarkozy, est même passée à 7000€ sous Hollande. Certaines régions, qui ne semblent pas souffrir tant que ça de la crise qui affecte les budgets des collectivités locales, abondent en offrant 1000€ supplémentaires (Poitou-Charentes) ou 2000€ pour un véhicule utilitaire (Lorraine).

Soufflé. L’observation modèle par modèle s’avère décevante pour les constructeurs. Au début de l’année, la Zoé de Renault affolait les compteurs, mais le soufflé est retombé. La Bluecar de Vincent Bolloré, la fameuse Autolib’ parisienne (en fait grise, pas bleue), ne remporte pas non plus le succès escompté. L’industriel s’était pourtant fendu d’une tonitruante conférence de presse à la mi-février pour annoncer que le véhicule serait désormais vendu aux particuliers. La Mia, qui fait la fierté de la région Poitou-Charentes et de sa présidente, ne fait pas mieux : 384 modèles écoulés en 2012, 130 à ce jour en 2013, mais pas un seul au mois d’août. Croisant Ségolène Royal à l’université d’été de La Rochelle, le ministre de l’économie, Pierre Moscovici a pourtant promis d’en acheter (à lire ici, dernier paragraphe). Certes, le patron de Bercy ne s’est pas engagé, personnellement, à acquérir une Mia. Mais son ministère devrait s’en charger. C’est là une partie du problème : en France, ce sont surtout les pouvoirs publics qui acquièrent des voitures à propulsion électrique. Tandis que les particuliers boudent.

Clemenceau. Alors, bien sûr, il peut-être trop tôt pour enterrer la Mia, la Bluecar ou la Zoé. Et puis d'autres modèles vont bientôt sortir, vous allez voir ce que vous allez voir. Il faut sans doute attendre (encore) un peu, se montrer patient, espérer les effets du matraquage sur le thème de la conscience écologique. Ou pas. Car ça fait longtemps que les voitures estampillées "zéro émission" sont présentées comme l’avenir du secteur. A l’instar du Brésil, décrit par Georges Clemenceau comme "un pays d’avenir et qui le restera", la voiture électrique devrait rester longtemps un moyen de transport du futur.

Les premiers modèles électriques datent de la fin du 19ème siècle. En 1899, un ingénieur belge concevait un prototype capable de rouler à plus de 100 km/h et baptisé, de manière prémonitoire, la "Jamais contente". En 1971, déjà, Jean Poulit, un haut-fonctionnaire à qui on doit notamment Bison futé et la Chasse au Gaspi, commettait un rapport sur la circulation dans lequel il citait la voiture électrique comme remède à la pollution automobile (lire ici, page 24). En 2009, il y a exactement quatre ans, l'Internationale Automobil-Ausstellung  de Francfort présentait l’électricité comme un moyen de sauver l’industrie automobile du marasme.

Secrets sales des énergies propres. En fait, la voiture électrique semble touchée, comme tous les véhicules motorisés, par le désamour des consommateurs. Les ventes, en France, ne cessent de plonger. Une auto, de nos jours, est un objet utilitaire et solide que l’on achète au moindre prix et que l’on utilise avec parcimonie. L’important est qu’elle roule correctement et qu’on puisse l’approvisionner régulièrement en énergie. En outre, l’argument écolo ne convainc personne. L’auteur californien Ozzie Zehner, qui a écrit "Green Illusions", un manifeste dénonçant "les secrets sales des énergies propres", explique ici (en français) pour quelles raisons les voitures électriques ne sont pas du tout écologiques. Les conséquences du fiasco ne se font pas attendre. Le constructeur allemand Siemens a annoncé le 3 septembre, face à un marché atone, qu’il renonçait à investir dans les bornes électriques.

Toutes les voitures électriques ne connaissent pas le même sort que la malheureuse Mia. Aux États-Unis, la Tesla, voiture de sport qui ressemble (vaguement) à une Ferrari et doit son nom à un inventeur d’origine serbe, rencontre un succès étonnant, à lire ici (en anglais) et là (en français). Tout se passe comme si la voiture était surtout perçue comme un objet de luxe, quel que soit son mode de propulsion. On achète alors du rêve, pas un moyen de transport.

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