Marisol Touraine exagère (à nouveau) sur la santé du marché automobile

Dimanche 14 juillet, le président de la République annonçait que la reprise économique était là. Lundi, sur le plateau d'iTélé, la ministre de la santé, Marisol Touraine, abondait en son sens, listant ce qu'elle estimait être les prémices d'une reprise économique. Et elle s'est un peu emballée en annonçant une embellie sur le front de l'industrie automobile, qui connaît pourtant d'importantes difficultés. Nous expliquions dans un précédent article des Décodeurs pourquoi et comment la ministre se trompait...

Dans l'édition de ce 17 juillet, le Canard enchaîné consacre son"Mur du çon" à la même erreur de la ministre de la santé, citant les mêmes données que nous, celles émanant du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Mais la ministre a réagi, sur son blog, à la publication du palmipède, lui assénant un "pan sur le bec", du nom de la rubrique où le Canard fait ses mea culpa. Mais malgré ses explications,  la vision du marché automobile de Mme Touraine ne tient toujours pas la route.

Ce qu'elle a écrit :  "Si le Canard enchaîné raisonne en glissement annuel, ce qui peut s’entendre, je m’exprimais pour ma part en variation mensuelle. Et, petite confidence, je m’appuyais sur les chiffres du mois de juin, qui semblent lui avoir échappé !

Je peux donc le lui annoncer : en variation mensuelle, les immatriculations de véhicules neufs rebondissent de 6,6 % en juin 2013. Alors oui, elles demeurent encore éloignées de leur niveau moyen d’avant-crise, mais force est de constater qu’au deuxième trimestre 2013, elles rebondissent de 5,9 %, ce qui constitue la hausse la plus prononcée depuis début 2011."

Pourquoi c'est (toujours) faux : Mme Touraine a raison, nous avions comparé les chiffres d'un mois par rapport au même mois de l'année précédente. La ministre préfère raisonner en glissement mensuel, c'est à dire en étudiant les variations d'un mois sur l'autre. Ainsi, se réjouit-elle d'une hausse de 6,6 % en juin 2013 par rapport à mai 2013. Ce qui est parfaitement vrai.

En revanche, ce n'est pas "la hausse la plus prononcée" depuis début 2011 comme elle le prétend. On peut le voir sur le graphe ci-dessous, il n'y a pas besoin de remonter très loin pour trouver une hausse en glissement mensuel supérieure à 6 %. C'était le cas en février et en décembre – respectivement des hausses de 7,6 et 8,3 % par rapport aux mois de janvier et novembre.

Plus globalement, si l'on regarde les mêmes données d'évolution d'un mois sur l'autre sur une période plus longue, on observe que la courbe passe alternativement d'un côté ou de l'autre du zéro. Et ce quelle que fût la situation économique du marché de l'automobile ou celle du pays.

En revanche, le dernier argument avancé par Mme Touraine est exact.  "Force est de constater qu’au 2e trimestre 2013, [les immatriculations] rebondissent de 5,9 %, ce qui constitue la hausse la plus prononcée depuis début 2011". Ce qui est vrai, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous.

Pour Patrick Blain, président du Comité des constructeurs français d'automobiles, cité dans un article du Monde, "au mois de juin, le marché des commandes a l'air de se stabiliser, c'était la même chose en mai (...), donc on est probablement en train de toucher le fond". "Nos indicateurs nous permettent de conforter [la prévision d'une baisse de 8 % sur l'ensemble de l'année], qui suppose une stabilisation sur le deuxième semestre", conclut-il.

Au mieux, donc, le marché enrayera sa chute fin 2013 après avoir "touché le fond". 

Jonathan Parienté

Le blog "Les décodeurs" est animé par la cellule "décryptages" du Monde.fr : Imaginé et créé par Nabil Wakim, différents membres de la rédaction y contribuent : Samuel Laurent, Jonathan Parienté, Alexandre Pouchard... Suivez les décodeurs sur Twitter sur twitter.com/decodeurs

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