Dix usines automobiles de trop en Europe

Le Monde | 17.06.2013 à 11h25 • Mis ? jour le 18.06.2013 à 09h46 | Par Philippe Jacqu?

"Aujourd'hui, pr?s de deux tiers des usines tournent ? moins de 75 % de capacit?, le seuil de rentabilit? d'un site d'assemblage. Et l'avenir n'est pas rassurant, car nous ne pr?voyons pas de rebond du march? d'ici ? 2019, qui pourrait att?nuer ces surcapacit?s", assure Laurent Petizon, le directeur g?n?ral d'AlixPartners France. Depuis la crise de 2008, le march? en Europe de l'Ouest n'a cess? de chuter, passant de 16 ? 12 millions en 2013. Aujourd'hui, le Vieux Continent disposerait d'une surcapacit? de production de 3 millions de v?hicules soit l'?quivalent de dix usines de taille moyennes.

Contrairement aux Etats-Unis, o? les constructeurs ont sacrifi? au plus dur de la crise dix-huit usines, pour mieux rebondir, les constructeurs europ?ens n'ont que timidement agi. PSA Peugeot Citro?n fermera le 31 d?cembre son usine d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et r?duira les capacit?s de production de son site de Rennes, tandis qu'Opel baissera le rideau en 2014 sur son site allemand de Bochum (Rh?nanie-du-Nord-Westphalie). Ford va supprimer pour sa part trois sites en Belgique et au Royaume-Uni. Mais ce n'est pas suffisant, assure M. Petizon. "Si le march? reste aussi bas, il faudra agir de mani?re beaucoup plus importante", juge-t-il.

Tous les pays ne sont pas log?s ? la m?me enseigne. Les usines allemandes ou britanniques tournent ? plus de 80 %, car elles fabriquent en majorit? des v?hicules haut de gamme non seulement pour les march?s europ?ens, mais aussi pour chinois ou am?ricain, en pleine expansion. Les constructeurs g?n?ralistes des pays du sud de l'Europe sont beaucoup plus en difficult?. En Italie, l'utilisation moyenne des usines est de 46 %, en France elle atteint 62 % et en Espagne 67 %...

"RIEN N'EST FIG?"

Afin d'atteindre une capacit? minimale d'utilisation des usines de 80 %, seuil au-del? duquel les usines sont rentables, chacun de ces trois pays devrait d?truire les capacit?s de production de 600 000 v?hicules, soit l'?quivalent de deux usines moyennes.

En France, c'est plus que la production des cinq sites de Renault?en 2012 ! L'an dernier, l'ex-R?gie a assembl? 532 000 v?hicules dans l'Hexagone, tandis que PSA en a fabriqu? 1,1 million.

En 2000, la France ?tait le quatri?me pays producteur de v?hicules dans le monde, avec 3,3 millions de v?hicules assembl?s, juste derri?re l'Allemagne (3e avec 4,9 millions). Elle pointe d?sormais au 11e rang (2,1 millions). L'Allemagne, elle, n'a recul? que d'un rang, en 4e position (5,7 millions) d?pass?e par la Chine, tandis que l'Espagne (12e, 1,9 million) et le Royaume-Uni (13e, 1,56 million) pourraient d?passer la France ? moyen terme...

"Rien n'est fig?, pr?cise M. Petizon. Si le march? repart plus rapidement que pr?vu, les restructurations n?cessaires seront moins douloureuses." Les calculs d'AlixPartners ne tiennent pas compte des fermetures d'usines pr?vues en 2014 ni des r?organisations arr?t?es par certains constructeurs. Au printemps, Renault a ainsi annonc? que Flins assemblerait 82 000 citadines Micra apport?es par son alli? Nissan.

En Italie, les syndicats de Fiat esp?rent que le plan de relance annonc? fin 2012 par Sergio Marchionne, le PDG de l'entreprise, portera ses fruits. Il pr?voit notamment de fabriquer sur la P?ninsule des Jeep, propri?t? de la filiale Chrysler.

TOUTE LA FILI?RE AUTOMOBILE TOUCH?E

Enfin, en Espagne, tous les grands constructeurs (Volkswagen, PSA, Nissan, Ford, etc.), qui y disposent de sites de production comptent monter en puissance. "Avec la crise, l'Espagne retrouve son rang de pays low cost", indique M. Petizon.

PSA reste aujourd'hui le constructeur europ?en le plus vuln?rable. D'autant qu'il ne peut compter sur son partenaire General Motors, dont la filiale europ?enne Opel est en grande difficult?, pour faire tourner ses usines.

"Si vous avez de l'argent, vous pouvez investir dans vos futurs v?hicules et maintenir vos usines d?ficitaires. En revanche, quand vous en avez moins, il faut faire des choix plus prononc?s. PSA est face ? cette probl?matique", insiste M. Petizon.

La crise du march? automobile ne fragilise pas que les constructeurs. Elle touche toute la fili?re, rappelle AlixPartners. En amont, les ?quipementiers ont arr?t? d'investir dans leurs moyens productifs locaux afin de se concentrer sur l'Am?rique du Nord et l'Asie.

En aval, la distribution et les services apr?s-vente trinquent. Selon AlixPartners, en Italie, 75 % des concessionnaires sont dans le rouge. En temps "normal", seulement un quart des concessionnaires perdent de l'argent... M?me constat en France : depuis un an et demi, pr?s de 9 000 emplois (sur 300 000) auraient ?t? supprim?s en France dans ces m?tiers, selon le Conseil national des professions de l'automobile.

Et ce n'est que le d?but, juge AlixPartners. En Italie, "si la guerre des prix s'intensifie entre les diff?rents constructeurs, 41 % des 3 800 concessions italiennes pourraient mettre la cl? sous la porte d'ici ? 2014. Si les constructeurs sont moins agressifs, le nombre de concessions pourrait baisser de seulement 11 %", indique M. Petizon.

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